Un article de presse : Meurtre à Saint Bazile

C’est une collection franco-belge diffusée sur France 3. Cette collection regroupe depuis 2013 une soixantaine de téléfilms policiers qui se déroulent chaque fois dans une ville et une région de France différentes. Personnellement, j’adore, étant passionnée de film, série ou livre policier. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque, dans mes recherches au niveau de la presse ancienne et régionale de la Haute-Vienne, je découvre un article de presse concernant un meurtre à Saint-Bazile, mon petit village ….. 

Meurtre à Saint-Bazile, épisode N°1, la découverte du crime

L’histoire se déroule en 1903 à Saint-Bazile en Haute-Vienne, dans l’ouest du département, petite commune rurale située entre Oradour-sur-Vayres, Cussac, Saint-Mathieu, Vayres et Chéronnac.

Saint Bazile Haute Vienne , Site Comersis.com
Archives départementales de Haute-Vienne, cote 6 M 190,recensement St Bazile 1901

Au  dernier recensement de 1901,

Saint-Bazile comptait 533 personnes dont 94 dans le bourg .

archives départementales de Haute-Vienne, cote 6 M 190 , récapitulatif recensement 1901 Saint Bazile

Le 1er février 1903 , un petit encart est publié dans le journal «  Le Bonhomme Limousin »

GALLICA,LE BONHOMME LIMOUSIN,1 FEVRIER 1903
GALLICA,LE BONHOMME LIMOUSIN,1 FEVRIER 1903

15 jours auparavant, une femme a réussi à faire passer la mort de son mari pour une cause naturelle.
Celui-ci a été enterré dans le cimetière de Saint-Bazile.
Mais, suite à une dénonciation parvenue la veille auprès du tribunal de Rochechouart, le procureur, le juge d’instruction Paul Nieullet et le docteur Marquet médecin légiste débarquent à Saint-Bazile.
Le mari est exhumé, autopsié : ………… Celui-ci a été tué de plusieurs coups de couteaux

Stupeur et consternation au village !!!!

Le suspense est à son comble.
Les habitants se posent des questions :

Qui est le délateur ? Qui est la Victime ?
Pourquoi la victime est-elle morte ? Qui a tué ?

Vengeance ? Crime passionnel ?  Accident ??
Les enquêteurs poursuivent leurs investigations.

Episode N°2, Qui est la victime ?

Il faut attendre l’article de presse du 5 février sur la suite du meurtre à Saint-Bazile, toujours dans Le Bonhomme Limousin pour avoir quelques réponses.

La victime était François Brousse mort le 12 janvier 1903 à l’âge de 42 ans.
Celui-ci a été trouvé dans son étable, face contre terre. Cela donnait l’impression que François Brousse était tombé de l’échelle montant à la barge où le foin est stocké. Il avait plusieurs blessures à la tête. Ces blessures ont semblé suspectes aux yeux de quelques personnes, mais les gendarmes n’y ont pas prêté attention. Ils ont autorisé l’inhumation qui a eu lieu le 13 janvier.
Ci-dessous son acte de décès :

Archives départementales de Haute-Vienne, cote 3E136-17, acte de décès de François BROUSSE

François Brousse était roulier. Il transportait des marchandises à l’aide d’une charrette tirée par des chevaux.

Il était marié avec Françoise Lévêque, enceinte de 6 mois, depuis le 7 juin 1883 à Saint-Bazile.

Archives départementales de Haute-Vienne, Mariage Brousse Lévêque cote 3E136-10
Archives départementales de Haute-Vienne, Mariage Brousse Lévêque cote 3E136-10

Du 7 juin 1883 , à 3 heures du soir

Acte de mariage de François Brousse ,âgé de 22 ans ,né dans la commune de Saint Laurent , Charente, le 26 septembre 1860, domestique ,demeurant au chef-lieu de la commune des Salles-Lavauguyon , fils majeur et légitime de Pierre Brousse ,maçon, demeurant au village de la Prévantie, dite commune de Saint Laurent, et de feue Louise Montoux ; le dit Pierre Brousse , présent et du consentement auquel il précise ;

Et Françoise Lévêque , cultivatrice , âgée de 22 ans , née en cette commune de Saint Bazile le 24 octobre 1860, fille majeure et légitime de Pierre Lévêque et de Marie Vieille-Toile, aussi cultivateurs, demeurant ensemble au chef-lieu de cette dite commune de Saint Bazile , les dits père et mère présents et du consentement desquels elle précise .

Les actes produits par les futurs aux fins dudit mariage sont :

1 : Les extraits des registres des publications des communes de Saint Bazile, des Salles-Lavauguyon et de Saint Laurent , Charente , constatant que les publications du mariage projeté entre les susnommés ont eu lieu , conformément à la loi, les dimanches 20 et 27 mai dans les communes de Saint Bazile et de Saint Laurent et les dimanches 13 et 20 mai mois dernier dans la commune des Salles-Lavauguyon et qu’il n’a été formé aucune opposition à ce mariage

2 : les actes des naissances des futurs

3 : L’acte de décès de la mère du futur …

De tous lesquels actes en forme légale, de même que du chapitre VI du code civil, au titre du Mariage, sur les droits et devoirs respectifs des époux, nous avons donné lecture, aux termes de la loi. Interpellés par nous d’avoir à déclarer s’ils ont fait un contrat de mariage, les futurs époux et ceux du consentement auxquels ils procèdent nous ont répondu négativement.

Après quoi lesdits futurs époux ayant ,sur notre demande, déclaré ,l’un après l’autre, se prendre pour mari et pour femme, nous , soussigné, Maire, officier de l’état civil de la commune de Saint Bazile,(Haute-Vienne), avons prononcé, au nom de la loi, que François Brousse et Françoise Lévêque sont unis par le mariage.

A la mairie , en présence de : Jean Viroulet , cantonnier , âgé de 34 ans , demeurant au chef-lieu de cette commune de Saint Bazile, Pierre Laversane , maréchal, âgé de 56 ans, demeurant au village des tuilières commune d’Oradour sur Vayres, tous deux amis du contractant,

De Simon Lévêque, cultivateur, âgé de 48 ans , demeurant à la Ville , commune de Saint Laurent sur Gorre , de Léonard Lévêque, cultivateur, âgé de 38 ans , demeurant au chef-lieu de la commune d’Oradour sur Vayres, tous deux oncles de la contractante,

De tout quoi nous avons dressé le présent acte que nous avons signé après lecture faite avec Léonard , Lévêque et non les nouveaux époux, leurs parents et les témoins qui ont déclarés ne savoir  de ce par nous interpellés

Archives départementales de Haute-Vienne, Naissance Jean BROUSSE, cote 3E136/9

De leur union, naquirent deux enfants :

  1.  Jean, né le 27 septembre 1883, décédé le 26 mars 1884 à l’âge de 6 mois
  2. Anne, née le 29 décembre 1884.
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Le couple n’était pas très riche et François Brousse avait dû quitter le domicile pour se mettre au service de M. Rassat aux Salles-Lavauguyon. Il ne rentrait que de temps en temps. Ceci ne facilitait pas les relations dans le couple. François Brousse, bien que considéré comme une personne honnête, avait un caractère difficile et s’enivrait fréquemment. Plusieurs querelles éclataient parfois.

Depuis le mariage de sa fille Anne, le 9 décembre 1902 avec Jean Pouméroulie, François Brousse ne travaillait plus pour M. Rassat et s’occupait de travaux agricoles à Saint-Bazile. Les voisins entendaient de temps en temps des disputes entre les époux Brousse sans pour autant affirmer que des coups étaient donnés.

Le 10 janvier, François Brousse avait revêtu ses plus beaux habits pour se rendre à une noce. La fête avait duré deux jours, et François Brousse en ai revenu dans un état d’ébriété proche de l’ivresse. Il n’ai pas ressorti de chez lui.

Archives départementales de Haute-Vienne, Naissance Anne BROUSSE, cote 3E136/9

Episode N°3, Enquête et Autopsie

L’article de presse sur le meurtre de Saint-Bazile continue par le descriptif de l’autopsie et l’interrogation des témoins.

L' autopsie

L’autopsie du corps a révélé 5 profondes blessures au niveau de la tête de François Brousse. Ces blessures étaient toutes mortelles, car elles avaient brisé les os du crâne qui avaient pénétré la cervelle. François Brousse devait avoir une chevelure importante, car ces blessures étaient en partie dissimulées par les cheveux. Le médecin légiste a précisé que ces blessures ont été occasionnées par un bâton et un couteau. François Brousse n’avait pas pu se faire ces blessures en tombant de l’échelle.

Les témoins

Les témoins étaient des voisins de François Brousse et Françoise Lévêque. Mme Jarraud, une des voisines, a vu, vers 5 heures, Françoise Lévêque sur le seuil de sa porte avec les mains ensanglantées. Questionnant Françoise sur l’origine de ce sang, celle-ci aurait dit que ce n’était rien et serait rentrée précipitamment chez elle. Une heure après, elle se présentait chez Mme Jarraud en train de plumer un poulet. Son mari était rentré saoul de la noce et avait exprimé le désir de manger un poulet le soir.
M. Jarraud a vu, à la même heure, M. Brousse étendu sur le sol de la cuisine. Mme Brousse lui a claqué la porte au nez quand il a voulu s’approcher pour vérifier s’il dormait.
D’autres témoins se souvenaient d’avoir vu des taches de sang sur les marches conduisant à la grange et plus loin sur le sol.
Le crime aurait donc été commis dans la cuisine et le cadavre transporté dans la grange.

Pièces à conviction

Lors de l’enquête réalisée à Saint-Bazile, de multiples objets ont été pris au niveau de la maison de la victime François Brousse et de sa femme, mais aussi chez leur fille Anne Brousse et chez le frère de Françoise Lévêque. La liste de ces objets figure dans le registre des dépôts de pièces à conviction de Rochechouart en date du 28 avril 1903, cote 8U588.

Il y avait, entre autres, des draps de lits, deux linges à pâté, des vêtements de Françoise Lévêque et de son mari François Brousse.  Mais aussi, une branche, l’échelle prés de laquelle la victime a été trouvée ainsi que la cloison de la réserve à pommes de terre, une masse, une partie du toit à cochons et un fragment de solive.

Archives départementales de Haute Vienne, Registre pièce à conviction Rochechouart, Cote 8U598

Arrestation de la coupable

Dans l’article de presse sur le meurtre de Saint-Bazile, il est écrit que, lors de l’enterrement de François Brousse, l’attitude de sa femme, Françoise Lévêque, paraissait étrange et certaines personnes doutaient de celle-ci. Une lettre anonyme l’accusant formellement d’avoir assassiné son mari parvint au parquet de Rochechouart. Françoise Lévêque fut interrogée par le procureur. Elle répondit aux questions avec assurance au début de l’interrogatoire puis elle se mit à pleurer et à se lamenter de façon excessive.
Cette attitude entraîna le magistrat à croire que Françoise Lévêque était coupable. Il poursuivit dans ce sens son interrogatoire. Françoise, poussée à bout, était perturbée dans ses réponses.

Ceci aboutit à son arrestation et son enfermement à la prison de Rochechouart. Au niveau du répertoire général de la maison d’arrêt de Rochechouart, Françoise Lévêque a été enregistrée sous le numéro 16 et une fiche descriptive de Françoise Lévêque se trouve dans le registre d’écrou.

Archives départementales de Haute-Vienne, Registre écrou Rochechouart, Françoise Lévêque cote 2Y5-22
Archives départementales de Haute-Vienne, Registre d'écrou Rochechouart, Françoise Lévêque cote 2Y5-22

Françoise Lévêque, fille de Pierre Lévêque et Marie Vieilletoile, tous les deux décédés, née à St Bazile le 15 octobre 1860, veuve, 1 enfant. A l’âge de 42 ans, Françoise Lévêque, est une femme de petite taille (1m48) avec des cheveux noirs grisonnants. Lors de son enregistrement à la maison d’arrêt de Rochechouart le 31 janvier 1903, elle est vêtue d’une jupe grise recouvrant des bas de laine, d’une chemise en coton blanc, d’un caraco noir, le tout recouvert d’une mante noire et porte aux pieds des galoches.

GALLICA ,LE BONHOMME LIMOUSIN,8 FEVRIER 1903

Dans l’article de presse Le Bonhomme Limousin du 8 février, M. Le juge d’instruction, missionné pour résoudre le meurtre de Saint-Bazile, fait subir un autre interrogatoire à Françoise Lévêque.

Il était bien évident que Mme Brousse n’avait pas pu transporter le corps de son mari, seule, de la cuisine vers la grange et l’accrocher par une jambe à l’échelle.
Mme Brousse nie le fait d’avoir tué son mari.
Les investigations supplémentaires n’ont pas abouti à la découverte d’un potentiel complice.
Seule Françoise Lévêque sera jugée pour le crime de Saint-Bazile.

Françoise Lévêque est transférée à Limoges le 4 mai 1903.

Episode N°4, Le jugement à Limoges

GALLICA,LE BONHOMME LIMOUSIN, 4 JUIN 1903

Dans l’article de presse sur le meurtre de Saint-Bazile du 4 juin du Bonhomme Limousin, le jugement au tribunal des assises n’a pas eu lieu.
En effet, Mme Lévêque veuve Brousse niant toujours d’avoir commis un crime sur son mari, un complément d’enquête est demandé.
Le sang sur le mobilier saisi va être analysé par un laboratoire de Paris pour déterminer s’il s’agit du sang du mari ou d’un poulet. Le laboratoire confirmera que le sang présent correspond à du sang de poulet.

Le jugement est annoncé dans le Bonhomme Limousin du 26 juillet 1903 : Celui-ci aura lieu le 7 aout à la cour d’assises de Limoges

Archives départementales de Haute-Vienne, jugement cours d'assises de Limoges, cote 5U14

Arrêt N° 14 de la cour d’Assises de Limoges du 7 aout 1903 qui condamne Françoise Lévêque veuve Brousse à 8 ans de réclusion.

Françoise Lévêque est reconnue coupable d’avoir, au mois de janvier 1903, en la commune de Saint -Bazile, Haute-Vienne, volontairement donné la mort au nommé François Brousse.

Il existe des circonstances atténuantes en faveur de l’accusée

Archives départementales de Haute-Vienne, jugement cours d'assises de Limoges, cote 5U14

La cour faisant application à Françoise Lévêque veuve Brousse des textes de lois ci-dessus transcrits la condamne à huit années de réclusion et aux frais de procédure envers l’état , liquidés à la somme de 1557 francs 

Archives départementales de Haute-Vienne, jugement cours d'assises de Limoges, cote 5U14

Fixe à 4 mois la durée de contrainte par corps.

Dispense Françoise Lévêque de l’interdiction de séjour.

Ordonne que le présent arrêt soit publié et affiché par extrait dans les lieux prescrits par l’article 36 du code pénal.

Archives départementales de Haute-Vienne, Registre écrou Limoges Françoise Lévêque, cote 2Y2-110
Archives départementales de Haute-Vienne, Registre écrou Limoges Françoise Lévêque, cote 2Y2-110

Sur le registre d’écrou n° 89 de la maison d’arrêt de Limoges, Françoise Lévêque veuve Brousse est condamnée à 8 ans de réclusion à partir du 31 janvier 1903 jusqu’au 31 janvier 1911.

Elle a quitté la prison de Limoges pour la maison centrale de Montpellier le 11 septembre 1903.

Aucun article de presse sur le meurtre de Saint-Bazile après le jugement et le transfert de Françoise Lévêque. L’histoire l’a t elle déjà oublié ?

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Cet article a 6 commentaires

  1. Nicole Lefevre

    Bravo! très bon travail de recherches , c’est passionnant et bien documenté .

  2. Denis Lecoq

    Bravo Pascale
    ton travail de recherche est remarquable, voilà une affaire criminelle mieux connu grâce à tes recherche.
    peut-être à d’autres histoires passionnantes, sur la commune de Saint-Bazile?
    Merci

    1. Merci Denis , oui je prévois quelques articles sur Saint Bazile ou la région.
      A suivre, Abonnez vous ….

  3. Régis Coudret

    La reconstitution faite de cette enquête est passionnante et tellement bien documentée. Bravo ! En même temps quid du mobile ?

    1. Bonjour et merci pour le commentaire .
      Je n’ai pas la réponse pour le mobile , je n’ai pas trouvé les détails de l’enquête, il faut continuer les recherches mais il y avait des lacunes sur cette période .
      Peut être une dispute qui a mal fini …

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